Un échiquier géant, en plein air, se moque
De ce temps qui dérape encore une fois,
Pourtant c'est l'hiver et bien sûr il fait froid,
La glace recouvre la surface en peau de phoque.
Les joueurs assidus sont là comme tous les jours
C'est leur passe-temps favori même les jours de tempête,
Leurs gestes sont immuables et savamment s'apprêtent
A dévoiler leur âme pour ce jeu, leur fol amour.
Ils se délectent déjà des tours à jouer,
Des embûches préparées en sournoiseries,
Mettent quelques appâts, des menus bien garnis
A faire baver l'adversaire plus que tenté.
Déplacer une pièce est tout un art
D'autant que ces objets pèsent une tonne,
Les mouvements sont lents, la précision étonne
Ces spectateurs gelés, en gradins pour la plupart.
Des braseros font danser les flammes en attendant
Que le jour se lève, que le long duel s'achève,
Les dernières pièces bougent, prennent vie, rêvent
En ombres chinoises de s'animer vraiment.
La foudre ne l'entend pas ainsi, la pluie accompagne
Un mouvement qui s'accélère, les pions se font petits,
Le Roi et la Reine ont commencé un net repli
Dans ce monde en noir et blanc, un pays sans cocagne.